mercredi 5 avril 2017

Les cérémonies matrimoniales en Mauritanie entre rituels immuables et diversité culturelle

Les cérémonies matrimoniales en Mauritanie entre rituels immuables et diversité culturelle

Les cérémonies matrimoniales en Mauritanie entre rituels immuables et diversité culturelle
DuneVoices - En Mauritanie, les usages culturels se multiplient et varient en fonction des quatre groupes ethniques qui forment la société : les Arabes (ou "Bidhanes"), les Foulane (ou "Boulars"), les Soninké et les Wolofs. 

Et bien que l’Islam ait relié d’un fil organisateur les composantes arabes et noires de ce pays, chacune de ces communautés a su garder ses propres us et coutumes dans différents domaines de la vie sociale. 

Le mariage fait naturellement partie des manifestations de cette diversité, chaque groupe ethnique se distinguant des autres par les rituels et les usages qui accompagnent la célébration de l’événement. 

La tradition arabe (des "Bidhanes"), de l’étrange au pittoresque 

Les soirées chantantes commémorent les vertus des tribus dont sont issus les deux époux

Le mariage, qu’on appelle également « Lemchad » ou « Al Khayma », est une phase charnière importante et très attendue dans la vie de la jeune fille "bidhane". C’est même le vœu le plus cher que lui font sa famille et ses amis proches.

La première étape de cet événement commence par la demande en mariage. Elle est faite par la mère du prétendant qui se rend chez la famille de la jeune élue, accompagnée de celles qu’elle choisit parmi ses sœurs et amies. Les hommes, eux, ne prennent pas part à cette étape ; ils interviennent seulement au moment de la signature du contrat de mariage, comme c’est d’ailleurs le cas dans pratiquement toutes les sociétés arabes et même musulmanes. 

Cette signature se fait généralement lors d’un repas offert par la famille de la mariée ou parfois à la mosquée. Sept youyous lancés dans les airs par une spécialiste en la matière annoncent la conclusion de l’acte de mariage et le début officiel des cérémonies célébrant publiquement l’union des deux jeunes gens :

Al Merwah : C’est la cérémonie pendant laquelle le marié vient chercher son épouse chez ses parents pour la ramener dans son nouveau logis. Cela se fait dans une ambiance festive, rythmée par la musique et dans une joie partagée par les amis des jeunes époux et par les membres de leurs familles qui sont plus jeunes qu’eux. 

Car il existe un usage très courant dans la société mauritanienne qu’on appelle "Assahoua" et qui impose le respect des personnes plus âgées. C’est d’ailleurs par respect de cet usage qu’on interdit à la mariée de découvrir son visage durant les festivités matrimoniales et qu’on lui impose de s’habiller de noir pour ne pas montrer ses parures et pour afficher symboliquement une expression modérée de la joie et du bonheur.

Akaylouâ : ou le conflit. Il s’agit d’une bataille symbolique entre les amies de la mariée et ceux de son époux ("El Âssr"), au moment où ce dernier lui prend la main pour la conduire au "Merwah" et de là vers son nouveau domicile. 

A ce moment précis, la mariée, aidée de ses amies, doit se montrer réticente et faire semblant de ne pas vouloir quitter la maison de ses parents. Les amis du marié, eux, doivent porter assistance au jeune homme jusqu’à ce qu’il réussisse à convaincre son épouse de partir avec lui. 

Le Terwagh : ou la dissimulation. C’est un jeu traditionnel très recherché par les amies de la mariée et par celles qui souhaitent y participer en leur prêtant main forte. S’y adonnent également les garçons plus jeunes que le futur époux. Tout au long des festivités, la clique fait tout ce qui est en son pouvoir pour cacher la mariée et la dérober à son futur époux. 

L’usage veut aussi que la future épouse fasse preuve de complicité et coopère à tous les stratagèmes et complots ourdis dans ce sens. Les amis du marié doivent de leur côté empêcher le "Terwagh" ou, le cas échéant, faire tout ce qu’ils peuvent pour retrouver l’épouse. 

Tous les moyens sont bons pour y parvenir, y compris l’espionnage et la corruption de certaines femmes du camp « ennemi ». En cas d’échec, une fête spéciale est organisée par le camp des femmes pour annoncer leur victoire et dicter les conditions sous lesquelles elles accepteraient finalement de rendre l’épouse. Ces conditions peuvent consister en une somme d’argent ou en un banquet tenu en leur honneur, comme il peut s’agir même d’une danse publique promise par l’époux. 

Amrouk osbouô : ou l’écoulement d’une semaine. Cette semaine correspondait à l’origine à la durée des festivités matrimoniales qui s’étalaient autrefois sur sept jours avant d’être limitées à deux ou trois jours. Passée cette semaine, le mari envoie aux parents de son épouse un cadeau de valeur pour leur exprimer son respect et son affection renouvelés envers eux.

Chez les "Foulan", on est mariée dès la naissance et la polygamie est admise… 

La mère .....................................................................................

Chez la communauté Foulane, l’union matrimoniale commence très tôt. En effet, dès la naissance de la petite fille, ou le jour de son baptême, la maman d’un petit garçon lui noue un fil autour du poignet signifiant qu’elle est élue pour être la future épouse de son fils. Cela peut être fait par une tante paternelle ou maternelle, comme par une autre femme de l’entourage familial de la petite. 

En grandissant, la jeune fille sait que son futur époux viendra la chercher ou que sa famille viendra annoncer que leur fils ne souhaite plus se marier avec elle. L’une ou l’autre de ces deux démarches est précédée d’une visite préalable, ordinaire et beaucoup plus discrète, pendant laquelle un proche de la famille du prétendant, ayant une certaine expérience en la matière, est envoyé chez la famille de la jeune fille pour vérifier si elle est disposée et prête à fonder une famille. 

Une fois l’épreuve surmontée avec succès, une date est fixée pour le mariage ("Geokal"), pendant lequel le jeune époux est représenté par le plus jeune de ses oncles et avec la bénédiction de son propre père. Un repas cérémonial est ensuite organisé par les femmes à l’occasion de la préparation de la mariée. Les festivités sont alors ouvertes.

"Taykel" : En voie de disparition et ne persistant plus que dans certains villages de la campagne, cette tradition veut que le mari charge ses amis proches de kidnapper la jeune épouse. L’opération a lieu après la conclusion du contrat légal de l’union et avant la cérémonie pendant laquelle la jeune fille est remise entre les mains de son époux. 

Le but de la manœuvre est de faire éviter au père de la mariée les dépenses liées à l’organisation du repas de noces. En attendant lesdites noces, la mariée demeure chez la mère de l’époux. 

"Nafoura" : Il s’agit d’une somme d’argent obligatoire que le marié donne aux amies de sa future conjointe en échange de tout ce qu’elle devront faire pour la parure, le maquillage et l’habillement de la jeune mariée. Cette somme sert aussi à éviter qu’elles ne soient tentées de la lui dérober, et d’entraver ainsi la procédure matrimoniale. D’autres cadeaux, plus symboliques, sont également offerts aux tantes maternelles de la jeune fille pour les remercier de tous les efforts qu’elles ont consentis dans son éducation. 

Par ailleurs, le mariage consanguin est répandu chez les Foulane, de même que la polygamie est une pratique courante et habituelle chez eux, même s’il ne s’agit le plus souvent que de bigamie. 

La communauté "Soninké", beaucoup de recommandations mais un cérémonial discret 


Le calme des Soninké se reflète dans leurs cérémonies matrimoniales sobres et discrètes

"Aniakha", ou le mariage chez les Soninké (serghola), ne diffère pas beaucoup de ce qu’il est chez les "Bidhane" ou chez les "Foulane", notamment en ce qui concerne la demande en mariage. En effet, le jeune prétendant envoie son frère aîné chez sa future belle-famille qui tient par la suite une réunion spéciale afin de prendre la décision adéquate. Si cette décision est favorable, une date est alors fixée d’un commun accord. 

Avant le mariage, le prétendant effectue une visite de politesse chez les parents de sa fiancée en leur présentant un cadeau ayant une valeur symbolique. Pendant cette visite, il devra écouter les conseils et les recommandations faites par le père de la future mariée et par ceux de ses proches qui sont plus âgés que lui. Ces directives portent sur la vie de couple et sur les obligations conjugales. Du reste, il lui sera possible ce jour-là de voir le visage de sa dulcinée, à condition seulement de payer une certaine somme à ses amies. 

Le jour de la signature du contrat matrimonial, très tôt le matin, nombre de bovins sont égorgés afin de préparer des repas en l’honneur des proches et des amis. L’après-midi, les amis de l’époux et sa famille se dirigent vers la maison de la jeune mariée afin de la ramener chez son époux. 

Une fois le convoi arrivé, sur des chevaux ou à bord de voitures lorsqu’on est en ville, on se met à jouer de la musique et à chanter la gloire et les vertus du jeune marié et de sa famille. Pendant ce temps, la mariée écoute les conseils et les recommandations de sa mère au sujet de la nouvelle vie qu’elle est sur le point d’entamer. 

Puis, dans des habits blancs immaculés et avec une parure parfaite, elle quitte la maison familiale, accompagnée du convoi venu l’emmener au domicile conjugal. Elle avance ainsi vers sa nouvelle vie au rythme de la musique et des chants scandés par ses amies : « Ouvrez donc la porte du logis; la maîtresse de maison est arrivée ! »

Arrivée à destination, la mariée commence par saluer son beau-père ou le membre le plus âgé de sa belle-famille en s’asseyant à ses pieds, en écoutant attentivement ses commandements et en demandant sa permission pour pénétrer dans ce nouveau monde. 

Durant la première semaine du mariage, une personne qu’on appelle "Khasmata" est chargée de jouer le rôle d’intermédiaire et de facilitateur entre les deux jeunes époux afin de les aider à s’habituer l’un à l’autre et à s’accoutumer à ce nouveau mode de vie commune.

Chez les Wolof, une prosternation… et un verre d’eau… 


La jeune fille wolof tient à danser lors des mariages afin d’attirer l’attention des jeunes amis célibataires du marié

Lorsque le jeune homme wolof décide de se marier ("sit") avec une jeune fille, il doit en informer directement et sans nul autre intermédiaire, son tuteur. Ce dernier se dirige alors vers la famille de la jeune fille pour demander sa main. Si leur réponse est favorable, le prétendant effectue une visite de politesse chez eux, accompagné de ceux qu’il choisit parmi ses amis et ses proches.

Cette visite est également l’occasion pour lui de vérifier si la jeune fille ressent une envie réelle de se marier avec lui. Il lui demandera ainsi de lui servir un verre d’eau ; si elle le lui offre en le tenant de ses deux mains et en se penchant vers l’avant, il en déduit une réponse favorable et un désir d’engagement partagé.

Mais si elle le lui tend d’une seule main et en maintenant une posture droite, il doit en conclure qu’elle rejette l’idée et qu’elle ne souhaite pas s’unir à lui. 

Une fois fixés sur la réponse favorable de la fiancée, une date est choisie pour signer l’acte du mariage en présence de quatre témoins, deux pour chacune des parties. Quiconque le souhaitant peut se joindre au groupe. 

Le jour des noces, un banquet est organisé chez la famille de la jeune mariée. Entamé en début d’après-midi, il peut se poursuivre jusqu’à minuit, rythmé par la musique et la danse. Pendant ce temps-là, la tante paternelle de la jeune fille se charge de sa parure et de sa beauté avant de la confier à son époux venu accompagné de ses amis et de ses proches. Le jeune homme se doit d’organiser une autre cérémonie spéciale en l’honneur des amies de son épouse. 

Il apparaît donc que la société mauritanienne avec ses différentes composantes culturelles partage de nombreux usages et coutumes relatifs à la célébration de l’engagement matrimonial, même s’il y a des nuances dans la pratique.

L’une de ces différences s’exprime particulièrement dans l’attitude à l’égard de la polygamie. Considérée comme l’un des interdits les plus catégoriques chez la communauté des Arabes ( Bidhane), elle est admise, voire parfois recommandée quelques fois, chez les ethnies noires. 



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Source : DuneVoices
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